mercredi 20 août 2014

Dans les pas d'Assassin's Creed II

 Le fromage, la pizza, le jambon, le cinéma et Rigoletto mis à part, je n'ai jamais été une grande amatrice de l'Italie. Mais s'il y a bien un truc que je suis certaine d'aimer, c'est la saga de jeux vidéo Assassin's Creed. J'ai été à Rome, j'ai été à Venise, mais c'est essentiellement à Florence que se déroule le second opus de la saga, mon préféré avant que le quatrième ne sorte (et là, paf, plus à rien à faire, mon cœur aveuglé par son amour pour la piraterie a relégué AC2 au second rang). Bref. Je suis donc partie quelques jours à Florence, dans l'optique de suivre la trace d'Ezio Auditore de Firenze, héros des premiers volets de la saga et natif de la ville. Je n'avais pas joué à l'épisode 2 depuis un moment, mais flâner à travers les rues de la capitale toscane a suffit pour raviver de chouettes souvenirs de parkour virtuel et de sauts dans la paille depuis des toits d'églises.


Je suis partie un peu comme ça, en mode "yolo, ma connaissance experte du jeu va me suffire à me repérer dans Florence, no fear, no doubts" et... ça s'est avéré plutôt vrai. Bon, j'ai quand même embarqué le Cartoville usuel au cas-où ; On n'est jamais trop prudent et puis on ne peut pas grimper sur les toits pour se repérer, dans la vraie vie. Florence est de ces villes italiennes dans lesquelles il fait bon flâner et se perdre, loin des grands axes touristiques. Cependant, c'est bien dans des lieux aujourd'hui touristiques que se tramaient les complots en 1476, époque à laquelle se déroule donc AC2. Se perdre dans la marée de touristes s'avéra nécessaire ; J'ai beaucoup regretté de ne pas m'autoriser à grimper aux façades des maisons et à sauter de toits en toits. M'enfin, peu importe. 

Je logeais dans un sympathique petit hôtel non loin de l'église de Santa Maria Novella qui fut donc le premier lieu de mon pèlerinage. C'est une jolie petite église en face de laquelle se trouve le musée du Novecento, un musée d'arts visuels que je n'ai pas visité. A Florence, tu apprends la patience ; Rentrer dans un musée sans réservation demande pratiquement une demie-journée à faire la queue en plein soleil. Et entre nous, l'art italien ne m'a jamais vraiment touchée, je lui ai toujours préféré la peinture flamande. Je n'ai pas non plus visité tant d'églises que ça, chose que pourtant j'affectionne faire. L'architecture romane florentine ne m'émeut pas des masses (encore moins lorsque je ne peux pas y grimper). Je me suis donc principalement contentée de m'adonner à mon activité favorite : la flânerie.

 Santa Maria Novella irl et ig.

Et quel plaisir de flâner dans les ruelles pavées de la ville, relativement petite et concentrant la plupart de ses monuments dans deux quartiers. Ainsi, m'arrêtant de temps en temps humer le doux fumet s'échappant d'une trattoria ou admirer le travail du cuir d'un artisan, j'arrivais bientôt devant la cathédrale. Tout joueur d'AC connait l'importance des églises et des cathédrales tout particulièrement. Aussi glorieux et impressionnants que dans le jeu, se dressaient devant moi la Duomo et son campanile (que j'aime appeler à tort minaret). Le baptistère était malheureusement en rénovation et donc entouré d'échafaudages le masquant.
Moins belle que la Duomo de Milan à mes yeux mais a priori bien plus fréquentée que Notre Dame, les visiteurs se pressaient aux portes dans une queue faisant le tour du bâtiment (qui est tout de même bien grand). Je déconne pas quand je te dis que faire la queue, c'est une activité à temps plein à Florence. N'ayant pas la motivation, je n'ai donc pas pénétré la cathédrale, ni son campanile dont l'ascension m'aurait au moins permis de voir de très près le sommet de la Duomo, me procurant ainsi la sensation d'être un peu plus près de mon jeu vidéo.

La Duomo et son campanile irl...

 ... et ig ! (Y a une meilleure vue ig, ouais).

Le lendemain matin, je repassais devant le monument afin de continuer mon pèlerinage. La lumière manquant la veille, ce fut l'occasion de faire quelques photos souvenir. J'avais embarqué Ezio. Enfin, juste une figurine à son effigie. J'espérais que ça appâterait son homologue grandeur nature ou au moins ses copains, mais manque de bol, je n'ai aperçu aucun assassin. Par contre il a attiré un paquet d'autres fans, chose fort plaisante à laquelle je n'avais même pas songé. Les premières fans que j'ai rencontrées furent une mère et sa fille, Homa et Cosima, venant de Vienne. Elles sont arrivées vers moi en hurlant "Ezio ! Ezio !", c'était marrant. Ce qui m'a d'autant plus agréablement surprise, c'est que la plupart des fans que j'ai rencontrés étaient des femmes. Je suis vraiment contente de voir que de plus en plus de filles jouent très sérieusement aux jeux vidéo, pas à des jeux de merde, et pas pour la pseudo-gloire de "han t'as vu je suis une meuf et je joue à Call of Duty et à WoW, hihihi" mais bien pour elles, parce que ça les fait kiffer autant que les mecs.



Homa était adorable et tenait un cahier dans lequel figuraient des screens du jeu en face desquels elle prévoyait de coller des photos des vrais monuments. On a gardé contact et qui sait, peut-être viendra-t-elle faire un tour à Paris puisque c'est la ville qui servira de décor au prochain opus prévu pour la fin de l'année ?

En poursuivant ma balade, je suis arrivée à Ponte Vecchio, l'emblème de la ville et dernier pont traversant l'Arno encore habité. Lorsque l'on est dessus c'est un cauchemar : une mer de touristes se laissant entraîner d'une boutique de bijoux clinquants à l'autre puisque aujourd'hui les tanneurs et tripiers ont tous disparu. Lorsqu'en revanche on l'admire depuis un autre pont, la vue est superbe. J'adore ce genre d'architecture inégale composée d'agglutinations de petits immeubles bariolés et légèrement biscornus, comme s'ils avaient été soigneusement ramassés dans différents coins et posés là côte à côte. Les quartiers populaires ont vraiment quelque chose que l'architecture pompeuse des monuments historiques n'a pas.


Vraiment, Ponte Vecchio est aussi chouette dans la vraie vie que dans le jeu. Je me voyais courir sur les toits des habitations en compagnie d'Ezio, dans la lumière du soir et dans l'odeur du sang provenant des bouchers peuplant le pont à l'époque. Sigh. Aujourd'hui l'endroit est un peu devenu l'équivalent de notre Pont des Arts parisien : un coin moche quand on est dessus et beaucoup trop visité pour ce que c'est.


N'ayant pas prévu de traverser le pont tout de suite, je suis passée devant le Palazzo Vecchio avant de me rendre à la Galleria degli Uffizi, musée florentin équivalent un peu au Louvre. Hélas, les grands maîtres italiens ne créant que très peu d'émotions en mon petit kokoro et la foule de touristes réveillant affreusement mon agoraphobie, j'ai rapidement pris la fuite pour m'en aller vers le seule salle du musée contenant des peintures flamandes — mon dada. Rien à cirer de la Naissance de Vénus, moi j'aime Rubens et Bruegel. Ceci dit, je reconnais que le musée est fort bien fourni et est à visiter d'urgence si l'on est, contrairement à moi, un amateur de Botticelli, Titien ou Michel-Ange. Bon ok, j'admets que j'étais quand même particulièrement heureuse de voir mon Caravage préféré : la Méduse.

Bref. Le Palazzo Vecchio donc, qui est l'hôtel de ville de Florence. Pas fan de l'architecture mais faut avouer que ça a de la gueule et que la grande place devant est plutôt sympa (elle m'a cependant paru bien plus grande que dans le jeu).
Je suis également passée à la Galleria dell'Accademia où se trouve le fameux David, et tout comme pour notre Joconde, les touristes qui vont bien. Mais encore une fois, je n'ai jamais été très sensible à la sculpture et Michel-Ange ne me fait pas plus vibrer qu'un autre, hélas. J'ai pu toutefois me repaitre de la vue d'une collection très fournie d'icônes et de peintures pieuses variées qui pour certaines, feraient bonne figure dans ma collection.

Le gros machin imposant qu'est le Palazzo Vecchio.

Le lendemain, j'avais décidé de me perdre du côté du quartier des artisans, parce qu'il n'y a pas meilleur endroit sur terre pour acheter du cuir et du joli papier à lettres marbré qu'à Florence. Bon, tout coûtait la peau du cul alors je me suis contentée de regarder. Mes pas m'ont tranquillement conduit à l'adorable basilique Santa Croce que j'ai vraiment beaucoup aimée. Dans le jeu, c'était déjà ma préférée, mignonne comme tout par son architecture. Du coup j'ai fait un paquet de photos devant, avec Ezio, sans Ezio, et d'Ezio tout seul. A tendre à bout de bras mon petit Ezio pour le photographier, j'ai vite attiré l'attention de deux russes, une mère et une fille là-encore, elles aussi fans d'AC.

La sublime Santa Croce qui vend bien du rêve ig.
 
Tant de fans rencontrés grâce à Ezio ! \(@ ̄∇ ̄@)/

Les russes étaient chouettes et la demoiselle arborait même un pendentif de la marque des Assassins. On n'a pas tardé à attirer l'attention d'autres amateurs du jeu, des espagnols cette fois avec qui on a encore discuté un peu. Ça m'a vraiment donné envie de revenir à Florence (en hiver peut-être, pour changer), vêtue d'un costume d'Assassin et de me balader de manière casu dans les rues. Juste histoire d'attirer vraiment l'attention des fans et de causer, parce que tous ceux que j'ai eu le plaisir de rencontrer étaient absolument adorables. J'aimerais aussi effectuer un petit voyage Rome-Florence-Venise puisqu'il s'agit des trois villes italiennes dans lesquelles on suit les aventures d'Ezio. Ce sont aussi des villes que je connais déjà et que ça me ferait vraiment marrer d'y barouder fringuée en Assassin. Un jour peut-être me coudrais-je un costume et parcourrais l'Italie ainsi vêtue !

En parlant de Venise, j'ai fini par me rendre au sud de Florence, là où les touristes ne s'aventurent pas, là où l'on se croirait presque à la campagne et là où dans le jeu, Ezio prend la fuite pour Venise justement. C'est à la Piazzala Michelangelo que l'on peut admirer le plus joli panorama sur la ville. Sans les grues ce serait mieux, mais la vue reste superbe et le coin verdoyant et de fait très agréable. On gravit une montagne de petites marches (surement ce qui décourage les touristes) et on y arrive. C'est tranquille et mignon comme tout.


Ma petite balade Assassin's Creedesque s'est donc terminée sur les hauteurs de la ville. Je t'ai résumé ça comme si j'avais fait le tour de Florence en l'espace de deux jours, à la vérité ça m'en a pris quatre ; J'ai juste pris le temps de visiter aussi d'autres choses, comme le musée d'histoire naturelle (en général le premier endroit auquel je me rends dans une ville) qui comprenait une collection de moulages en résine absolument impressionnante (la plus complète en Europe et peut-être même au monde me semble-t-il) ainsi que l'une des galeries zoologiques les mieux fournies qu'il m'ait été donné de voir. Le top, c'est qu'il n'y a jamais personne dans ce musée, un vrai bonheur si comme moi tu aimes passer des heures un carnet de croquis à la main planté devant les vitrines à observer et dessiner chaque spécimen intéressant (la collection de canards m'a particulièrement émue. Tu connais mon culte pour ces bêtes-là, n'est-ce pas ?). Ou le musée Ferragamo, sacro-saint créateur de chaussures dont la vie détaillée m'était inconnue jusqu'à lors. Son musée, petit mais complet, est un véritable ode à son travail. De nombreux modèles originaux y sont exposés, dont les iconiques Rainbow shoes, crées originellement sur mesure pour Judy Garland.

J'en ai aussi profité pour faire quelques courses, j'aurais aimé m'offrir du papier marbré typique de Florence ainsi qu'une paire de gants en cuir bleu ; J'ai fait chou blanc de ce côté-là (sans déconner ça coûte une bliiinde !) et suis repartie avec une paire de chaussures rouges vernies que tu ne tarderas pas à me voir porter, ainsi que des yaourts Super Mario Bros. C'est qu'ils ont de chouettes trucs, en Italie.

Côté gastronomie, mon plus grand amusement lorsque je vais en terra (quasi)incognita, est de tout goûter. Surtout quand c'est bizarre. La spécialité florentine, ce sont les tripes. Je n'ai pas eu le temps d'en goûter (il me faudra y retourner pour tester), mais j'ai mangé de la soupe paysanne — traditionnelle elle aussi — et ça m'a laissé fort perplexe ; Le machin ressemblait à une purée de chou et avait juste le goût de sel. M'enfin bon, les excellents cafés et les bonnes glaces sont communs à toutes les régions d'Italie.

Florence est définitivement une jolie ville et j'aurais pu t'en parler mieux, te parler de ces chouettes églises que j'ai visitées, des ces autres monuments rigolos devant lesquels je suis passée, de l'incompréhensible accent toscan, du jardin Boboli, de ce bâtiment couvert de billets d'un dollar sur lequel je suis tombée, des touristes, de l'architecture et de toutes ces choses dont on ne parle pas dans Assassin's Creed. Mais je n'en avais pas envie. Parce que moi, ce que je retiens de ce passage à Florence, c'est à quel point c'était chouette de marcher en plein Assassin's Creed. Rome est trop grande pour pouvoir y baguenauder et tomber subitement sur un coin que l'on retrouve dans le jeu, Venise est trop pleine à craquer de touristes et trop pleine d'eau pour y errer sans avoir envie de plonger dans les canaux. Florence, elle, est pile à la bonne taille pour s'imaginer sauter de toits en toits avant d'atteindre le sommet de la Duomo, de faire un saut de l'ange et d'atterrir dans une motte de paille, tout en jetant un œil aux vitrines des magasins modernes et des petits artisans qui travaillent le cuir.

C'est certain, je reviendrai encore à Florence, une fois en Assassin, et une autre simplement pour prendre le temps de visiter la campagne environnante lors d'un road-trip à travers la Toscane. D'ici-là, je guette la sortie d'Assassin's Creed : Unity et ne manquerai pas d'effectuer une balade dans les pas du nouvel assassin (ce qui promet de s'avérer nettement plus facile et moins coûteux).

vendredi 8 août 2014

Reborn sounds of children dreams

 C'est l'été et hormis partir une semaine chez ta tante Berthe à Bouzoux-sur-Oust, t'as pas grand chose de prévu ; T'as envoyé tes CVs trop tard pour pouvoir bosser comme technicien de surface au McDo de ton bled, t'as pas la thune pour partir en roadtrip à travers le monde, Paris plage te donne des boutons et t'as qu'une angoisse : t'ennuyer. Si c'est le cas, je lève ma main pour un high five parce que toi et moi muchacho, on se comprend. Mais tékaté, je t'ai préparé un petit florilège de films frais et au bon goût de vacances pour ces jours où la canicule (ou l'ennui) t'obligera à rester chez toi avec ton pastis en intraveineuse (et avec autre chose pour te détendre que l'intégrale du Gendarme de Saint-Tropez). Pas d'analyse filmique à suivre, juste quelques lignes qui, je l'espère, te donneront envie de te rafraîchir un peu culturellement. Bon, ok, on est en août et j'avais initialement prévu de publier cet article plus tôt, mais tu sais, les films à suivre sont également bien efficaces en cas de winter blues pour quand tu te feras chier pendant les vacances de Noël et qu'on te traînera à l'habituel repas de famille chez Mamie Suzette.


Kikujiro no natsu (1999)
Takeshi Kitano a toujours été mon réalisateur japonais contemporain favori. De Dolls à Achille et la tortue en passant par A scene at the sea, il se dégage de nombre de ses films une poésie empreinte d'une douce mélancolie. Kikujiro no natsu n'échappe pas à la règle et est devenu un classique du cinéma japonais, et l'un de mes classiques personnels. Les road-movies ont vraiment un côté estival d'après moi, et le voyage à travers la campagne d'un yakuza accompagnant un gamin de neuf ans après avoir perdu toute leur thunes en priant sur des jockeys, a tout du road-movie excentrique (et donc super estival). En réaction à ses précédents films perçus comme trop violents par la critique, Kitano fait suite à Hana-bi en explorant ici la relation subtile entre Kikujiro, un adulte un peu fripouille (interprété par Kitano lui-même qui n'hésite pas à faire de l'auto-dérision), et Masao, un enfant innocent à la recherche de sa mère.

Kikujiro no Natsu est un road-movie comme je les aime, touchant et rigolo avec quelques pointes bien placées de drame, le tout sous forme d'une jolie promenade dans la cambrousse japonaise en compagnie de deux protagonistes très humains. La photographie unique de Kitano rend chaque paysage éclatant de couleurs (bien qu'on ne soit pas encore au niveau de l'explosion de nuances de Dolls) et son montage aux transitions brutes créé une façon très intéressante de raconter des histoires. A cela s'ajoute la très belle bande son composée par Joe Hisaishi, dont Summer le thème principal, est reconnaissable entre mille dès les deux premières notes.
Si toutefois tu n'es pas un habitué du cinéma japonais, il possible que la première demie-heure du film te paraisse un peu longue. Mais une fois que les deux compères s'en vont à travers champs, les choses deviennent plus fun et la magie ne disparait plus.

L'humour de Kitano est simple, parfois un peu enfantin, mais grâce à la superbe photographie et au jeu de Kitano (plus parfait que jamais dans ce film, qui semble avoir été réalisé rien que pour mettre en lumière son génie en tant qu'acteur), c'est absolument parfait. Le fond dramatique fonctionne superbement avec l'atmosphère relaxante du film et la BO magnifie parfaitement le tout.  
Kikujiro no Natsu est un road-movie adorable que j'ai toujours recommandé avec beaucoup d'enthousiasme à qui veut s'y essayer ; Ça n'est cependant pas mon Kitano préféré, mais ça c'est juste parce qu'il a fait tellement de perles qu'il est difficile de choisir.


Moonrise Kingdom (2012)
Lorsque j'ai vu ce petit bijou pour la première fois, j'en suis aussitôt tombée amoureuse. Wes Anderson est certainement mon réalisateur contemporain fétiche : photographie toujours parfaite, élégance, intelligence et poésie sont les principales caractéristiques de son univers et font qu'à chacun de ses films, on s'en prend plein la gueule, dans le meilleur sens possible. Moonrise Kingdom est incroyablement pétillant, beau et ingénieux. C'est le genre de film pratiquement impossible à raconter et qui mérite d'être vu ─ vécu, même ─, le genre de film à la Wes Anderson, c'est-à-dire une comédie romantique baroque croisée avec un film d'aventure, avec Françoise Hardy en fond et un casting dingue pour porter le tout.

Sur une petite île paumée au nord de la Nouvelle Angleterre (le genre de coin où je me vois carrément habiter d'ici quelques années), Suzy vit avec sa famille. Sam quant à lui est un scout dans un camp estival pas très loin. Ils ont douze ans, se rencontrent lors d'une représentation de l'arche de Noé par l'école locale à l'église du bled, et tombent amoureux. Cet amour interdit va les conduire à s'enfuir tous les deux dans un plan hyper organisé. Le truc magique avec Wes Anderson, c'est que dans chaque chose, même la plus simple a priori et dans chaque détail, à chaque instant, dans chaque délire, il y a un sérieux imperturbable. C'est pour ça, pour sa faculté à raconter des trucs hallucinants, improbables, complètement allumés, mais toujours avec un énorme sérieux que Wes est mon réalisateur contemporain favori. Il y a toujours un tas de petits détails que l'on découvre parfois au bout du troisième visionnage seulement, plein de petite choses qui apporte encore plus au charme de ses films. Chaque plan est un tableau, et si j'avais la place chez moi, j'aurais très certainement une immense pièce couverte de grands tirages d'images issues du travail de mon chouchou de réalisateur.

Ode à l'enfance et à l'imagination, pied de nez à la folie du monde adulte, éloge des sentiments courageusement affirmés, Moonrise Kingdom se savoure sans modération. Nique la norme, lève-toi pour ce qui est sincère, exalte ta fantaisie au lieu de l'étouffer pour faire plaisir à autrui au lieu d'être malheureux. Je ne vais pas me livrer à une analyse maintenant, mais il y a tant à découvrir et à tirer de ce véritable petit bijou qui a sût facilement se hisser, dès le sortir du cinéma, dans le Top 3 de mes films préférés.


Saya Zamurai (2011)
Matsumoto, c'est le génie taré à l'origine de films métaphysico-chelous tels que le fameux Symbol (si tu n'en as jamais entendu parler, dépêche-toi de l'ajouter à ta liste de films à voir ; Je dis ça pour ton bien). Saya Zamurai est dans la parfaite lignée de son travail, totalement con et brillant à la fois. Le plot est très simple : un "samouraï" se retrouve prisonnier d'un seigneur se retrouve condamné au défi des trente jours : trente jours soit trente tentatives de faire sourire le fils du seigneur qui est inexpressif depuis le décès de sa mère. S'il réussi, il sera libre. S'il échoue, il sera contraint de faire seppuku. Je mets des guillemets à "samouraï" parce qu'il a plus l'air d'un clown totalement paumé dans sa vie que d'un Toshiro Mifune, avec son fourreau de katana vide et ses culs de bouteille sur le nez. Malgré cela, son but reste incroyablement héroïque : faire rire ou mourir en essayant.

Ce genre de scénario peut rapidement devenir très redondant, mais Matsumoto parvient à faire de ce pattern a priori simple et évident quelque chose de plus complexe, le renversant même sur la fin. Chaque gag est hilarant et unique, plus dans la recherche de son concept que dans sa réalisation, et certains deviennent drôles tellement la blague de base ne l'est pas. Les personnages sont gentiment idiots mais néanmoins très attachants, surtout Nomi, le principal protagoniste. En plus de son air d'abruti perdu, il est timide mais déterminé, a tout au plus cinq dents dans sa bouche et s'exprime de manière désolée comme s'il s'excusait au monde entier ; C'est un clown-clochard triste en costume de samouraï.

Dans la plupart des bonnes blagues, il y a une part de vérité. Dans Saya Zamurai, ce qui engendre le burlesque est la détermination de Nomi. Faire rire ce gamin peut bien être impossible, mais Nomi va s'efforcer d'essayer, même si cela signifie la mort. Dans la première scène du film, il se fait poignarder, tirer dessus, briser les cervicales mais la seule chose éventuellement capable de le conduire à sa perte est son incapacité à faire rire autrui. Parfois, faire rire demande un effort supplémentaire, effort incroyablement noble et digne, même s'il te ramène au rang de bouffon. Au fond de toute cette cocasserie semble se trouver l'idée qu'il n'y a rie de pire qu'un comédien qui meurt sur scène, et ce fut peut-être l'idée initiale de Matsumoto lorsqu'il a réalisé ce film, brillant et rafraîchissant (un peu comme une bonne limonade.)


We're the Millers (2013)
Ça, c'est un machin qui n'a pas grand chose à voir avec les films que tu es habitué à me voir traiter de manière aussi gentille ici. Parce que c'est un blockbuster. Eh ouais. Mais figure-toi qu'il arrive parfois ─ rarement ─ qu'une super-production me fasse me tordre de rire au point d'en chopper des crampes au bide et de convertir tous mes potes aux gags dudit film. We're the Millers est l'un d'entre eux. Scénario bateau de blockbuster, casting classique de têtes connues (dont le fantastique Will Poulter), mais putains de gags. Sérieux. Enfin, en supposant que tu aies un humour aussi catastrophique que le mien (mais si tu continues à lire ce blog, je suppose que c'est le cas). A la manière de Little Miss Sunshine, on est entraînés dans un road-trip avec une fausse famille de gens rassemblés dans un seul but : faire passer tout un camping car blindé de weed du Mexique aux USA. Magique. Bien entendu comme dans tout blockbuster qui se respecte, les personnages sont des archétypes et tout est prévisible, mais bon sang, la qualité des gags vaut tous les clichés du monde. Le principal protagoniste est un vieil ado qui deal, sa voisine une strip-teaseuse, le gamin un crétin puceau, la gamine une ado fugueuse qui doit certainement avoir la discographie complète d'Avril Lavigne sur son iPod, et la famille qu'ils rencontrent est le parangon de la famille américaine classique (à savoir cons comme mes pieds et chrétiens conservateurs comme c'est pas possible). Rien de profond, de beau ou d'intelligent ni de métaphysique dans ce film, juste de la connerie rafraîchissante en barre (et des éclats de rire. Plein. Promis).


Carnival of Souls (1962)
Contrairement aux films ci-dessus, Carnival of Souls n'est pas un gentil film qui te donnera envie de partir à l'aventure sur ton canapé. Pas du tout. En effet, il s'agit d'un film culte de série B ayant inspiré moult réalisateurs par la suite. Pourquoi je te parle d'un film d'épouvante trois mois avant Halloween ? Simplement parce qu'il n'y a pas d'heure pour mater ce genre de film, et puis parce que quand on meurt de chaud, quelques frissons ne font jamais de mal. Film d'épouvante donc, mais si tu t'attends à des meurtres, des flots de faux sang ou des plans super angoissants, je t'arrête tout de suite ; Il s'agit ici d'un film s'adressant aux acolytes des atmosphères et de l'épouvante, aux fans des angoisses lentes, creepy et continues, bref, aux amateurs de la plus pure tradition du cinéma d'épouvante surnaturelle. Avec son intrigue lente et sa fin étrange, ses images envoûtantes dans ce superbe noir et blanc d'époque et son orgue inquiétant en fond sonore, Carnival of Souls ressemble un peu à un épisode d'une heure et demie de The Twilight Zone. Un genre de film de série B, sans le B mais avec un micro-budget quand même.
La force et l'intérêt de ce film ne résident pas dans le jeu des acteurs totalement inconnus ni dans le scénario (eh, série B je te dis), mais dans l'atmosphère carrément ensorcelante des scènes tournées dans une véritable foire abandonnée des années 20. L'ambiance embaume le mystère et la mort, un peu à la manière de l'Overlook Hotel dans Shining.
Sorti à l'époque des films jetables des drive-in, Carnival of Souls a été ressorti du fin fond des poubelles pour engendrer un véritable culte (on trouve tant de clins d’œil à ce film dans le travail de Romero ou dans 28 jours plus tard pour ne citer qu'eux) et est un must-seen pour tous les amateurs d'atmosphère pesante, d'images étranges et de plot twist.


Allez. Bisous et chill bien !